[Chapitre I] D'un rendez-vous au hasard d'une rencontre. - Clos -

Bien des rumeurs couraient sur cette station orbitale… Pour certain, elle n’était qu’un prétexte pour donner aux améliorés un lieu de rassemblement aux portes de la Terre. Ils disaient que celles-ci leur servait sûrement à planifier une future invasion de la planète des originels, car les améliorés voulaient se débarrasser définitivement de ces derniers. Dans le même esprit, d’autres prétendaient que la soit-disant neutralité de la station, imposé par le gouverneur Lowell, n’était rien d’autre qu’une mascarade destiné à endormir la méfiance de ceux ‘’qui savait ou était la vérité…’’ Les plus virulents affirmaient même, haut et fort à qui voulait bien l’entendre, que le gouverneur Lowell s’était vendu aux améliorés. Même si rien de tout cela n’était indéniablement prouvé dans les faits, Il fallait bien avouer que le voile obscur qui recouvrait partiellement le passé du dirigeant de Challenger rendait la chose assez tendancieuse. Pour sa part, c’était la toute première fois que Eve venait sur cette station orbitale. La chose lui était d’ailleurs assez étrange, car c’était assez différent de la vie sur Terre, et l’atmosphère était comme… Plus légère. Au cours du voyage à bord de la navette qui l’avait amener ici, la jeune femme avait ressenti comme une sorte d’appréhension. C’était la toute première fois qu’elle quittait le sol terrestre, et dans l’espace elle n’ignorait pas qu’elle ne pourrait nullement trouver du feu aussi facilement que sur Terre. Le feu sous sa forme basique était absolument à proscrire dans un assemblage de métal flottant dans le vide sidéral. Il pouvait mettre en péril la survie de la station, et plus important encore celles de ses habitants. Afin de faire disparaître. Ce sentiment dérangeant, Eve n’avait pas cessé de jouer avec son briquet, l’allumant et l’éteignant successivement et de nombreuses fois. Il était étrange de constater combien la seule présence d’une flamme, aussi ténue soit-elle, parvenait à rendre la jeune femme sereine… Mais au yeux des gens, cette attirance pour un élément aussi dévastateur que le feu devait certainement passer pour une obsession malsaine et, sans doute, dangereuse. Les ignorants…

En ayant pris connaissance de toutes ces rumeurs concernant Challenger et son dirigeant, Eve s’était demandé si il existait aussi de telles rumeurs chez les améliorés, mais dans la direction inverse. A coup sur, la position du gouverneur Lowell ne devait pas être tous les jours très confortable. En marchant dans les rues de la ville abrité par la station orbitale, Eve se demanda qui parmi les gens qu’elle croisait, était un originel ou bien un amélioré… Il pouvait aussi peut-être y avoir des mixtes, car elles avait entendu d’autres rumeurs comme quoi certains des deux ethnies se seraient mélangé dans une relation amoureuse, dont des enfants seraient nés. Assurément, ces derniers auraient sans doute énormément de mal à trouver leur place dans un camp ou dans l’autre. De toute façon, cela ne la concernait pas… L’objectif qui avait été fixé aux métas était les améliorés, et personnes d’autre. Pourtant, plus Eve croisaient des gens, et moins elle arrivait à faire la moindre différence entre qui était originel, et qui ne l’était pas. Elle se demanda d’ailleurs pourquoi le projet dont elle était issu, ne l’avait pas doté d’un moyen infaillible de repérer ces derniers sans l’ombre d’une hésitation. Mais peut-être, ce moyen existait-il déjà… Dans ce cas, pourquoi ne pas l’en avoir doté.. ?

Cela faisait maintenant deux jours que Eve était arrivé. La jeune femme avait été envoyé sur Challenger par la représentante italienne aux nouvelles Nations-Unis, afin de tenter de convaincre le gouverneur Lowell de la recevoir. Officiellement, cette rencontre était pour discuter d’un éventuelle partenariat entre Challenger et les nouvelles Nations-Unis, afin de procéder à des expérimentations dans la station, susceptible d’aider à réhabiliter les endroits de la Terre devenu inhabitable à cause des conflits successifs et la dégradation de l’environnement terrestre. Un projet noble qui avait été porté littéralement à bout de bras par le prédécesseur de Morgana Abrozzio jusqu’à sa mort, pas vraiment inattendue pour dire toute la vérité, survenue en pleine séance du conseil. Le décès du représentant italien avait donc fait échoir la reprise du dit projet sur les épaules de sa remplaçante, et cette dernière s’acquittait d’ailleurs à son tour fort honorablement de cette tâche. Mais Eve savait que Morgana se manquerait pas une telle occasion de faire du prosélytisme auprès du gouverneur de Challenger, afin de le convaincre, si ce n’est de rejeter tous les améliorés en dehors de la station, tout au moins de la rejoindre elle et tous ses partisans politiques, afin de cesser peu à peu tous contact avec ces derniers… Avant leur extermination pure et simple, mais de cela il n’était pas encore question et, en femme politique avisée, la représentante italienne savait qu’il fallait bien souvent faire des concessions sur ses idéaux, afin de pouvoir réaliser un jour ces derniers. Mais le gouverneur de Challenger avait lui-même la réputation d’un homme très ancré à ses idées, et le convaincre d’en changer ne serait sûrement pas une mince affaire…

Mais depuis deux jours, Eve ,n’avait pas réussi à obtenir un simple rendez-vous avec le gouverneur Lowell. Contrairement à ce que la jeune femme auvait pu penser, il paraissait être très occupé avec la direction de ce petit état en miniature. Alors, Eve avait flâné… Elle avait partiellement visité la station , ainsi que la plupart des commerce. Elle fut d’ailleurs très étonné de voir que ce petit monde autarcique était très différent de ce qu’elle s’était imaginé. Ce matin par exemple, elle se trouvait à la terrasse d’un petit café discret, comme elle le faisait régulièrement sur Terre. La vie y était presque identique en terme de vie, de passage… Les gens marchait dans cette ville repliée sur elle-même, comme le faisait les citoyens de Black Hole. Assurément, on était à molle lieues de la vision aséptisé qu’en avait tout d’abord eu Eve. Mais contrairement aux apparences, la jeune femme ne rêvassait pas en laissant le temps passé. Elle parcouraient les dossiers inhérent au projet de réhabilitation des villes terrestres détruites et sanctuarisé avec le temps, afin d’en présenter un résumé clair, concis et assez exhaustif au gouverneur Lowell, afin qu’il se laisse tenter par l’aventure et qu’il accepte une rencontre avec Morgana Abrozzio afin qu’ils puissent en discuter plus en profondeur. Eve n’était là qu’en tant que simple intermédiaire, c’était aussi une de ses tâche en fin de compte. De toute façon, elle devait attendre que le bureau du gouverneur la contacte, afin de lui donner une réponse à sa demande de rendez-vous, alors Eve avait décidé de travailler à l’air libre… Enfin… Façon de parler…

Vladimir s’ennuyait, il avait encore été envoyé sur Challenger V pour représenter la profession scientifique lors d’une réunion politique, encore quelques heures et ça sera fait. Il se demandait pourquoi s’était toujours à lui qu’on demandait d’agir, il avait peut-être une trop grande gueule, ou peut-être même que ses collègues ne l’appréciait pas vraiment, et dans le but d’être débarrassés de lui durant quelques temps, il l’avait promu à cette place.

Son rendez-vous était fixé pour la fin de journée, en attendant il avait bien le droit de faire ce qu’il voulait, il ne regrettait pas d’être un peu plus libre que dans les laboratoires sur Terre, mais Vlad’ n’avait pas l’habitude de trainer en pleine journée. Le Mixte cherchait des yeux quelque chose à faire, du shopping ? Manger ? Boire un café ? S’assoir simplement sur un banc ? Non, tout ça n’était que trop banal pour lui, il préférait se faire remarquer, se montrer au monde, il adorait qu’on l’observe, qu’on ait l’impression qu’un charisme émane de lui. Il jeta un coup d’œil à la terrasse du premier café devant lequel il passa, et un visage particulier attira son attention.

*Aller, j’ai quelques heures devant moi, je ne vais pas les passer seul.*
~Non, tu ne vas pas recommencer avec ça ! On dirait un gamin de seize ou dix sept ans qui ne sait pas quoi faire de son temps libre. ~

Il ne fit même pas attention à cette voix qui lui avait interdit de s’approcher d’une table à la terrasse du café, le visage qui avait attiré son attention était celui d’Eve. Elle était assise s’occupant de dossiers, encore une "travailleuse" acharnée. Dans un élan de bonté et de gentillesse, Vlad’ le pensait ainsi, il allait lui faire passer du bon temps, beaucoup plus agréable du moins que s’occuper de dossiers, discuter avec quelqu’un était toujours plus plaisant que de travailler, enfin c’était comme ça qu’il voyait les choses.

Alors qu’il allait s’exprimer, on le bouscula, ce n’était sans doute pas voulu, mais la personne qui l’avait poussé s’adressa à Eve, elle voulait du sucre.

*C’est qui celle là aussi ?! En train de tout faire foirer.*

Vladimir ne se laissa pas intimider, au lieu de s’adresser tout de suite à Eve, il commença par s’occuper de Margareth, plutôt mignonne aussi dans son genre, il avait peut-être eu plus de chance qu’il ne croyait. Il pourrait peut-être passer du temps en présence de deux femmes plutôt jolies, et avec un soupçon d’aubaine, peut-être même qu’elles seraient intéressantes, intelligente, sympas, qu’il s’en ferait des amis, et qu’il les reverrait un jour. Mais pour le moment, il fallait s’occuper du temps présent, le futur restait quelque chose de totalement hasardeux, et impossible à prévoir.

"-Hey vous n’auriez pas pu faire attention ? -Vlad’ n’allait pas faire un scandale, surtout s’il voulait rester en bonne compagnie, il changea donc d’interlocutrice, ne laissant pas la journaliste s’excuser- Bien le bonjour mademoiselle, je voulais vous proposer de prendre un café avec moi, j’espère être plus intéressant que de simples dossiers. "

~Plus intéressant que de simples dossiers, tu ne me l’avais jamais faite celle-là, plus dragueur que toi et moins travailleur tu meurs. Un vrai gosse ! ~

Alors qu’intérieurement, sa deuxième personnalité tentait de déstabiliser Vladimir, il fit un grand sourire Margareth.

"-Peut-être qu’on pourrait s’assoir tous les trois pour prendre un verre. -A l’attention d’Eve.-Enfin sauf si cela vous dérange mademoiselle. "

Vladimir était sûr de lui, sûr de son coup, il était convaincu que tout ce qu’il avait fait, allait mener à passer un bon moment. Depuis quelques minutes déjà l’ennui était passé, de toute façon le Mixte savait qu’il trouvait toujours quelque chose à faire.

Lorsqu’elle écrivait, Eve se coupait littéralement du monde. Bien entendu, ses sens étaient toujours en alerte grâce à l’entraînement martial qu’elle avait reçu tout au long de son existence, mais avec le temps elle avait appris à concilier ces deux facettes de sa nature. Elle était un peu comme un fauve endormi, s’il fallait imager la chose… Paraissant totalement absente du monde qui l’entourait, la jeune femme était pourtant prête à jaillir, tel un diable de sa boite, afin de parer au moindre danger. Mais en ce lieu et en cette heure, le seul véritable danger qui la menaçait, c’était une défaillance irréversible des système de survie de la station orbitale… Et contre cela, elle ne pouvait rien faire de concret… Mais contre tous le reste, son esprit et son corps étaient paré à contrer la moindre menace visant à nuire à son intégrité physique. Le seul danger qu’elle craignait véritablement en ce moment, c’était plutôt de ne pas pouvoir rencontrer le gouverneur Lowell. Une chose était certaine cela dit, Eve ne repartirait pas sans avoir accompli ce pourquoi elle avait pris le risque de se couper de son élément de vie. De toute façon, Preston Lowell n’avait sûrement pas un agenda de ministre, et elle ne tarderait sans doute pas à obtenir son fameux rendez-vous. Après tout, il n’était que gouverneur et il n’était pas dans son intérêt de se mettre en porte à faux avec les Nouvelles Nations-Unies qui représentaient tout de même la planètes Terre dans son intégralité… Ce serait aller à l’encontre de sa position de neutralité qu’il affichait si ouvertement, comme une vertu noble. Peut-être l’était-elle après tout, mais de cela Eve s’en moquait un peu à vrai dire car en fin de compte elle n’appartenait pas vraiment à l’un ou l‘autre des deux camps en opposition. Son résumé de la proposition de la représentante italienne avançait à grands pas. Encore que résumé était peut-être un terme quelque peu erroné, car Eve avait encore énormément de travail à faire avant de conclure, et déjà le dit résumé faisait plus d’une trentaine de pages. C’était un travail de titan, mais cela n’effrayait pas la jeune femme. De toute façon, elle n’avait rien d’autre à faire à part attendre un coup de téléphone du bureau du gouverneur qui lui confirmerait, enfin, une date pour un rendez-vous avec le dirigeant de Challenger V

Tout à son travail de rédaction, Eve sentit pourtant la présence de la jeune journaliste qui s’avançait timidement vers elle. Elle ne lui prêta cependant guère plus d’attention qu’à celle de Vladimir qui venait superbement de se faire prendre de vitesse, jusqu’à ce que sa voix polie retentissent. Elle cessa alors de pianoter sur le clavier de son portable, et releva doucement ses yeux sombres en direction de Margareth. Propre sur elle, doté d’une certaine élégance en dépit d’une juvénilité qui, en y songeant bien n’avait rien à envier à la sienne, si ce n’était peut-être cette absence d’innocence qui faisait bien souvent paraître Eve légèrement plus âgé que ses vingt ans tout neuf… Une administrative de la station sans doute… Une comptable, ou bien encore une quelconque secrétaire… Dans un geste lent, Eve lui désigna le pot de sucre se trouvant sur sa propre table de la main droite, et l’invita à le prendre en lui disant :

‘’Prenez-le, je n’en ai plus besoin de toute façon…’’

La réflexions sur les robots serveur fit légèrement sourire Eve. Un sourire, non pas d’amusement, mais plutôt de désabusement. Cette jeune femme parlait du robot en employant un terme que la méta jugea assez dédaigneux, mais elle ne lui en fit nullement la remarque. Après tout, il semblait dans la nature humaine que de ne pas avoir de respect envers les outils que l’homme avait lui-même créé. Finalement, cela donnait une certaine légitimité à la manière dont elle-même était considéré par ceux qui l’avaient accompagné durant toute sa vie… Elle aussi n’était qu’un outil après tout, au même titre que ce pauvre robot serveur.

‘’Est-ce réellement sa faute, ou bien doit-on blâmer celui qui l’a programmé.. ?’’

Ajouta toutefois Eve, afin de défendre un tant soit peu son ‘’frère’’ utilitaire… Elle ne pensait pas que Margareth se soit montré volontairement méprisante envers le robot serveur, c’était plutôt un comportement naturelle, inhérent à une éducation transmise de génération en génération. Au fil du temps, on finit par trouver les choses comme normale et on considère alors que la perfection doit l’être tout autant… C’est tout simplement… Humain… Puis, elle ajouta encore :

‘’Mais vous devez en avoir l’habitude si vous vivez ici…’’

Une question posée, qui n’en était pas vraiment une… C’était une manière comme une autre d’entamer un début de conversation qui distrairait quelque peu Eve, tout en en sachant un peu plus sur la jeune femme. C’est alors que le jeune homme interpella la journaliste, cherchant visiblement des excuses pour l’avoir malencontreusement bousculer. Mais celui-ci s’en détourna tout aussi rapidement, et s’adressa à Eve… Plus intéressant que ses dossiers.. ? Quelle prétention… Et surtout, quelle haute estime de lui-même, pour oser se croire peut-être plus intéressant que la renaissance de la vie, la ou la mort semblait avoir définitivement élue domicile. Cela étant dit, il ne savait rien du contenu de ces dossiers, alors la jeune femme pouvait bien lui pardonner cette égocentrisme qui était plus ou moins clairement l’apanage des mâles. Le côté charmeur et séduction de Vladimir échappa totalement à Eve. Celle-ci n’avait aucune connaissance pratique de ces choses, n’en connaissant que ce qu’elle avait pu en lire ou observer chez les humains. C’est pourquoi, en penchant légèrement la tête sur le côté elle lui dit tout simplement :

‘’Pourquoi pas… Je peux bien m’accorder une légère pause après tout… Asseyez-vous donc…’’

Les invita-t-elle alors tous les deux à s’installer à sa table, tandis qu’elle regroupait tous ses dossiers éparpillés en une unique pile qu’elle plaça à ses côtés…

Tout comme Vladimir, Margareth avait accepté de venir s’attabler avec Eve, afin de partager un moment de répit dans cette journée qui s’annonçait fort longue pour la jeune femme, entre la rédaction de son ‘’dossier de presse’’ pour le gouverneur Lowell et son attente concernant un éventuel rendez-vous avec ce dernier, avant la fin de la journée. Lorsque Margareth lui répondit, suite à son interrogation à propos de la responsabilité du robot serveur, Eve sourit très brièvement avant de répondre tout simplement :

‘’Les être humains aiment en effet rejeter leur colère et leur frustration sur les plus faibles, il est vrai… Sans doute, est-ce dans la nature des choses après tout…’’

La jeune femme laissa sa phrase en suspens, comme si une suite possible s’était vu retenu entre ces lèvres carmines qui luisaient fugacement sous l’action du liquide marron que Eve fit disparaître d’un bref mais rapide coup de langue. Puis, ses deux invités se présentèrent, chacun à leur tour. Contrairement à ce qu’elle avait pensé, Margareth n’était pas une résidente de Challenger V. D’ailleurs, pourquoi avait-elle pensé cela.. ? A vrai dire, Eve n’en savait trop rien. Sans doute par habitude, ou bien plutôt par manque d’habitude… En effet, l’idée que des gens puissent venir sur cette station l’avait toujours quelque peu étonné. Celle-ci était neutre, et ne faisait par conséquent rien qui puisse la mettre en porte à faux avec les originels, ou encore les améliorés. Par conséquent, elle ne voyait aucune raison Pour que la presse s’intéresse à Challenger qui, finalement, ne pourrait s’exprimer que en des termes de neutralité qui ne seyait nullement à la bonne santé financière des tirages qui sortaient chaque jour des presses… Pour Vladimir c’était déjà un peu plus compréhensible, bien que tout aussi étrange… Depuis quand, les scientifiques participaient-ils à des réunions politiques.. ? Si quelqu’un devait représenter la Terre à ce genre de rencontre, c’était plutôt un homme politique et certes pas un rat de laboratoire qui ne devait sans doute ne rien connaître de bien précis concernant les complexes rouages de la politique… Quoi qu’il en soit, cela n’était pas vraiment son affaire de toute façon .

A son tour, Eve se présenta. Elle mit son ordinateur en veille afin de ne pas épuiser inutilement sa batterie, puis elle dit en tournant son regard vers ses deux interlocuteurs :

‘’Je m’appelle Eve, et je suis l’assistante de la représentante Italienne aux nouvelles Nations-Unies. Je suis venue ici dans le but de rencontrer le gouverneur Lowell, afin de lui présenter un projet pour lequel nous aimerions avoir son concours….’’

Le travail pour lequel Eve se trouvait à bord de Challenger V n’était pas secret, loin de là. Ce projet représentait un espoir pour la Terre et ses habitants, et il avait été très rapidement annoncé au public, comme une solution à la surpopulation des quelques endroits sur la planète bleue, encore en capacité d’accueillir la vie. C’était en effet, devenue une des priorités majeures des nouvelles Nations-Unies, car semblable à une marée déferlante, l’humanité avait repris son inexorable ascension vers la surpopulation. En soit, cela était un bien car cela signifiait que l’humanité, en dépit de son passé douloureusement meurtri, renaissait une fois de plus… Si un jour l’homme devait disparaître définitivement, cela ne serait, en tout cas, pas pour cette fois. Cela étant dit, Eve n’avait pas pour habitude d’en dire plus que ce qui lui était demandé. C’est pourquoi, elle ne s’épancha pas plus longuement sur les détails de ce projet, afin de questionner à son tour ses deux compagnons de table. Tout d’abord, Eve interrogea Margareth… Honneur aux dames après tout, n’était-ce pas ce que l’on disait.. ? Elle se tourna alors plus spécifiquement vers elle, et lui demanda :

‘’Vous êtes ici pour un reportage.. ? Sur quelle sujet.. ? J’avoue que je ne vois pas ce que le statut de neutralité de cette station peut offrir d’intéressant comme sujet à un journal…Vous travaillez pour quel quotidien.. ?’’

Puis elle se tourna ensuite en direction de Vladimir, et lui demanda à son tour :

‘’Et vous, qu’est-ce qu’un représentant de la communauté scientifique originel, peut bien avoir à faire dans une réunion de politiciens.. ? La science ne devrait-elle pas, au contraire, se définir comme indépendante vis-à-vis des pouvoirs en place, quels qu’ils soient.. ? Je pense que je ne vous apprendrais rien, en vous disant que ces deux entités ont toujours donné naissance à des mauvaises choses lorsqu’elles s’unissaient.. L’histoire nous le rappelle d’ailleurs fort bien.’’

Eve se détourna alors de Vladimir, et porta doucement sa tasse de café à ses lèvres. La jeune femme ne voulait pas donner de leçon à qui que ce soit, ni même faire une quelconque morale… Elle ne faisait finalement que constater une vérité vraie, dont, même si tout le monde l’ignorait, elle était en fin de compte elle-même, l’un des produits Lorsque le jeune homme les interrogea toutes les deux sur leurs loisirs, Eve lui répondit presque instantanément, sans l’ombre d’une quelconque hésitation…

‘’Nous oeuvrons pour rendre la Terre le plus agréable possible, et pour que les relations entre les originels et les améliorés ne dégénèrent plus comme ce fut le cas autrefois… Cela ne laisse que peu de temps pour se distraire…’’

Même si c’était la des paroles qui faisaient parties du discours officiel de l’employée des nouvelles Nations-Unies qu’elle était, Eve croyait réellement en ce dernier. En effet, et même si les nouvelles Nations-Unies n’échappait pas à son lot de réfractaires aux améliorés, comme en témoignait la femme à qui elle était attaché, ces dernières oeuvraient, dans les grandes lignes, véritablement pour la réhabilitation de la Terre et pour une paix durable entre tous. Ce projet de réhabilitation des zones de la Terre devenues inhabitables depuis des décennies l’avait d’ailleurs séduite immédiatement, lui témoignant ainsi du fait que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette humanité à laquelle elle n’appartenait pas, était loin d’être irrécupérable. Pour ce qui était du second point… Ceci était un tout autre domaine, qui dépassait de loin les nouvelles Nations-Unies…

Lorsque Margareth donna le nom de son journal, Eve marqua un bref temps d'arrêt avant de poursuivre à deversement liquide au fond de sa gorge... Elle sembla savourer cette fugace portion de café avec une certaine d&électation, avant de cligner doucement des yeux...

"L'intrépide dites-vous..? C'est bien le principal quotidien de Sélénopolis, n'est-ce pas..? Vous êtes donc une améliorée... Intéressant... Très intéressant même... J'avoue que les rares améliorés que j'ai pu rencontré jusqu'ici, étaient tous des politiciens, ce qui n'est guère représentatif de votre espèce, il faut bien le reconnaitre."

Eve reposa délicatement sa tasse de café sur la table, puis ses lèvres s'étirèrent doucement en un sourire plaisant... Des faits récents, leur disait-elle... Que voilà une manière bien diplomate, de parler sans doute de ce fameux attentat qui avait été perpétré sur Mars. Ou bien cette journaliste était vraiment naïve, ou bien elle mentait comme un arracheur de dents. En effet, son journal ne l'avait sans doute pas envoyé pour avoir les impressions du gouverneur Lowel, mais plutôt pour avoir sa condamnation, net et sans équivoque, concernant les originels qui avait certainement commis ce geste. Les journaux recherchaient certes la vérités, mais plus que toute chose il recherchaient avant tout à faire du tirage... Le gouverneur de Challenger condamnant l'attentat mais pas les originels, n'aurait sans doute aucun impact sur les ventes du journal de la jeune demoiselle... Tandis que un gouverneur neutre choisissant de condamner ouvertement un camp plutôt que l'autre... En fin de compte, la presse était peut-être bien plus machiavélique que les politiciens. Eve voulu laisser Vladimir répondre, mais ce dernier paraissait nettement plus intéressé par les physiques, ma foi plutôt agréable des deux jeunes femmes en sa compagnie, plutôt que par leur conversation. En même temps, ce n'était qu'un homme, alors qu'attendre de plus que ce comportement des plus primaire..? Eve prit alors finalement la parole, tout en reportant son sombre regard sur la jeune journaliste aux dents visiblement très longue...

"Vous faites sans doutes allusion à ce terrible attentat qui a eu lieu dans une école d'améliorés sur la colonie de Mars, c'est bien cela..? C'est abominable, les enfants ne devrait jamais subir les effets des conflits opposants les adultes, quelle que soit leur appartenance... Cela rabaisse aussi bien la cause défendue, que le parti qui l'a commis."

Eve se tut l'espace de quelques secondes, puis elle se passa la langue sur les lèvres en un mouvement lascive, avant de reprendre la parole avec un éclat de malice inconscient dans les yeux...

"J'imagine que les sélénites pensent que c'est là, l'oeuvre d'extrémistes originels n'est-ce pas..? Alors laissez-moi vous donner une petite leçon de stratégie politique ma chère... Vous verrez, c'est assez basique, mais terriblement efficace comme j'ai pu le constater moi-même... Discréditer son adversaire est un moyen ingénieux et meurtrier, car il joue sur les peurs et les à priori ancré dans le coeur des gens. Alors, avez-vous, un seul instant, imaginé que cet attentat est pu être l'oeuvre d'un groupe d'extrémistes d'améliorés, qui ont vu là un moyen pour mettre à mal la réputation des originels, afin de convaincre les gens que les habitants de la Terre n'étaient que des monstres odieux et sans coeur...? Plus qu'ailleurs, nous savons, aux Nouvelles Nations-Unies, que la paix entre les deux espèces, est d'une relative solidité... Il suffirait d'une simple... Etincelle, pour que un conflit éclate. Pour ce faire, certains n'hésiteraient malheureusement pas à utiliser des enfants pour faire pencher la balance en leur faveur... Mais je présume que ce n'est pas ce que votre rédacteur en chef désire voir dans un article de l'intrépide... Les gens changent, mais la manière d'utiliser les outils demeure identique elle..."

C'était terriblement vrai... Améliorée ou bien originelle, la presse avait toujours le même but : vendre et faire du tirage. Pareillement, Eve n'avait pas menti lorsqu'elle avait parlé des enfants ert de leur honteuse implication des les différents des adultes... Et elle parlait en connaissance de cause. Eve sembla demeurer songeuse, le regard légèrement perdu dans le vide, puis elle se reprit avant de prendre à nouveau sa tasse de café et d'en avaler à nouveau une gorgée juste avant de poursuivre sur la seconde partie de l'interroghation de Margareth... Cette petite curieuse avait décidément bien choisi son métier...

"Les conflits ne mènent que à plus de conflits encore, l'histoire nous l'a maintes fois prouvé..." enchaîna-t-elle de manière abrupte "Là ou la Terre aurait pu s'enrichir, elle a préféré s'affaiblir un peu plus en se séparant en deux. Cela étant dit, les améliorés actuels ne font guère preuve de plus d'intelligence que les terriens en la matière, c'est un fait, et il ne reste plus que à espérer que les gens de bonnes volontés soient toujours plus nombreux que les réfractaires à toutes paix durable... En tout cas, c'est ce à quoi nous nous employons aux Nouvelles Nations-Unies, vous pouvez m'en croire. Pour répondre à votre autre question, c'est le mariage de la politique et de la science qui a abouti à la situation qui est la nôtre actuellement, alors je pense qu'il n'est nul besoin d'en dire plus.. Et intelligente comme vous semblez l'être, je ne doute pas que vous vous êtes déjà fait votre opinion sur la question. Mais la encore, il faut relativiser... Si cela a apporté du mauvais, cela a aussi apporté du bon... L'un ne va pas sans l'autre j'imagine..."

Laissant là Margareth à ses réflexions concernant ses paroles, Eve fit glisser sa tasse dans sa main gauche, et de sa main droite elle réactiva son ordinateur afin d'y pianoter quelques mots avant de laisser le dit ordinateur retourner dans son tranquille état de veille... Qu'est-ce que Eve venait d'inscrire..? Ma foi... Sans doute faudra-t-il lui poser la question...

En entendant Margareth clamer haut et fort que quelle que soit la vérité elle se ferait jour parmi les améliorés, Eve ne put retenir un léger sourire... Ou bien la jeune journaliste était encore une idéaliste non atteinte par la sinistre vérité qui régissait le monde de l'information et de la communication, ou bien elle était d'une naïveté affreusement désespérante... Un défaut qui faisait des gens des proies faciles, et que heureusement Eve n'avait jamais eu. Tout au moins, plus à partir du début de son adolescence, depuis que... En tous les cas, Margareth se faisait très clairement des illusions si elle pensait que son rédacteur en chef, ou bien encore le directeur de son journal, la laisserait démontrer aux améliorés que les monstres tant décriés, c'était en réalité eux et eux seuls.

"N'ayez pas trop d'espoir Margareth..." lui répondit alors tout simplement Eve avec son air blasé qui contrastait étrangement avec sa jeunesse apparente "Les idéaux de justice et de vérité ne font généralement pas le poids face à la puissance d'une lutte fratricide telle que celle qui oppose les améliorés aux originels... Mais vous avez raison au moins sur un point... Cette lutte est avant tout une lutte des régimes et des préjugés ancestraux, et non pas des peuples. D'ailleurs, je doute que nombre de vos concitoyens aient jamais eu un jour l'occasion de rencontrer un originel..."

Si Eve avait su que justement, une originelle, ou supposé comme telle, avait grandit et vécu toute son existence parmi les améliorés, aurait-elle tenu ce langage..? Et si elle avait en plus su qu'elle était comme elle, une méta... Qu'en aurait-elle pensé..? Sans doute, Margareth connaissait-elle cette histoire, qui s'était révélé une véritable révolution sur la Lune... Une journaliste, fut-elle aussi jeune, devait sans doute être au courant de cette histoire... Surtout une journaliste aussi fouineuse que opportuniste, bien qu'elle était encore une enfant à cet époque. Sur la Terre, l'accident avait juste eu droit à un entrefilet les faits divers, qui fut bien évidemment récupérer par les extrémistes afin de démontrer l'absurdité de la présence d'originels parmi "les autres..." Eve, elle n'en n'avait jamais entendu parler car le genre d'information qui lui étaient destiné ne souffrait pas ce genre de détails des plus futile... Et puis avec le temps et la distance, toute cette histoire avait surement du être oublié... Malgré la curiosité insatiable qui paraissait tenaillait la jeune amélioré, Eve se devait bien d'avouer que sa conversation n'était pas inintéressante. Elle n'était pas des plus fine, mais pas des plus inintéressante, vraiment. Toutefois, lorsque Margareth évoqua l'idée de preuve vivante récente du mariage sacrilège entre la politique est la science, son sourire se crispa légèrement et sa main se replia doucement sur elle-même tandis qu'une incandescente chaleur s'y fit ressentir. L'idée qu'elle puisse avoir été percé à jour lui traversa alors l'esprit, et d'instinct elle s'était déjà préparé à se débarrasser du "problème", comme on le lui avait appris à le faire... Rapidement, et sans hésitation...

Mais heureusement pour Margareth, et aussi pour le silencieux bellâtre qui les accompagnaient, Eve stoppa presque immédiatement. En effet, c'était idiot... Comment une gratte papier, sans doute considérée comme un larbin tout juste bonne à faire les basses besognes, aurait-elle pu découvrir sa nature de méta..? Non, elle se trompait assurément... Heureusement pour tous les deux d'ailleurs, car même si Vladimir était l'un de ces originels qu'elle se devait de protéger, le secret de sa véritable nature prévalait sur toute autre considération. Le sourire de Eve retrouva alors toute sa relative, certes, douceur, et sa main se détendit à nouveau.

"Vous avez tout à fait raison..." poursuivit-elle alors " Améliorés ou originels nous sommes tous le produit de cette lutte qui dure depuis maintenant bien trop longtemps, et qui a sans doute conditionné nos vies ainsi que celle de nos parents et de nos grands-parents. Il serait souhaitable que la prochaine génération, si ce n'est la suivante, puisse enfin s'épanouir dans un monde libéré de ce carcan pesant que nous impose notre histoire commune. Les bonnes volontés œuvrant en ce sens sont nombreuse sur Terre, et j'imagine qu'il doit en être de même sur la lune n'est-ce pas..?"

Lui parler, lui raconter tout et n'importe quoi, tant que cela la satisfasse... De toute façon, Eve ne reverrait sans doute plus jamais Margareth après ce séjour sur Challenger V. Elle rencontrerait surement le gouverneur, lui arracherait un petit discours bien neutre comme il avait surement l'habitude d'en faire, et puis elle rentrerait chez elle ou ladite réponse serait retravaillé afin de correspondre à ce que pouvait attendre l'opinion amélioré... Les générations à venir..? En réalité, Eve n'en avait cure. Pour elle, la famille et l'héritage n'étaient que des mots, des symboles que jamais elle n'avait été autorisé à connaitre... Comme bien des choses en réalité...

"Avez vous une famille Margareth..?"

Se surprit à demander Eve, tandis qu'elle pianota à nouveau quelques mots rapide sur son ordinateur...

"Avez vous des frères, des sœurs... Des parents qui vous aimes..? Parlez moi donc un peu de vous, de votre vie sur la Lune, puisque vous semblez être si... Ouverte..."

Pourquoi Eve demandait-elle cela à celle qui était supposé être une cible plus que potentielle..? Ma foi, pourquoi pas... Après tout, connaitre un peu "l'ennemi" n'avait jamais empêcher les batailles aux sanglantes destinées... Et puis, Eve n'était pas ici pour cette jeune femme... Tout au moins, pas tant qu'elle saurait refréner sa curiosité afin de ne pas dépasser la limite à ne surtout pas franchir. A n'en pas douter, Eve tuerait Margareth s'il le besoin s'en faisait sentir... Mais ce ne serait ni pour le projet, ni pour conserver le secret de l'existence des siens... Ce serait uniquement pour elle et elle seule, car malgré ses doutes Eve n'était pas encore prête à perdre ce qui était finalement sa seule existence, fut-elle totalement artificielle...

Margareth devait bien avouer qu’elle commençait à trouver la discussion fort intéressante. Pour un peu et elle en oublierait presque qu’elle attendait un rendez-vous chez le Gouverneur. Elle allait d’ailleurs devoir veiller à ne pas l’oublier complètement et encore moins à le rater ! Ou bien son patron ne s’en remettrait pas

"Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ? Ou tout du moins, aide à avancer, si ma première phrase vous semble un peu trop naïve ? Vous me semblez ma foi, déjà bien défaitiste alors que vous avez la vie devant vous. Si chaque nouvelle génération pense comme vous, c’est évident que ce conflit s’enlisera encore et toujours."

Néanmoins, il y avait au moins un point où elles semblaient être d’accord. Le problème du conflit Amélioré-Originel était devenu aujourd’hui un problème laissé aux mains des politiciens qui semblaient se faire une joie de le retourner dans tous les sens, dans le but inavoué de le prolonger davantage. Au grand dan du peuple. Souhaitaient-ils réellement que ce conflit s’arrête ? Si Margareth avait été au courant de l’existence des Métas, assurément elle aurait répondu par la négative. On ne résolvait jamais un problème en répondant à la violence car celle-ci l’entraîne à nouveau. Et les Métas, pour leurs concepteurs en tout cas, n’étaient rien d’autre que des armes. Des marionnettes au sein d’un projet des plus diaboliques qui soient.

"En effet, les proportions d’Originels vivant au sein de la population améliorée sont minces, davantage encore dans les colonies martiennes."

Originaire de la Planète Rouge où elle avait passé son enfance, Margareth n’avait jamais rencontré un seul Originel dans sa campagne natale. Elle se rappelait simplement en avoir croisé un dans un centre commercial à Odyssée. La fillette l’avait bien vite démasqué grâce à la béquille dont il se servait pour avancer. Instrument médical dont eux, les Améliorés n’avaient pratiquement plus besoin avant un âge très avancé (et encore, les cas demeuraient infimes) alors que cet homme-là semblait à peine pénétrer dans la cinquantaine.

"Le cas le plus marquant est sans doute celui de cette petite fille originelle débarquée sur la Lune, il y a maintenant quelques années. Ca a fait la une de nos journaux pendant plusieurs semaines, avant de passer dans l’oubli collectif. Qui sait si elle n’est pas depuis retournée vivre sur Terre… Et si ce n’est pas le cas, je serais curieuse de savoir ce qu’elle est devenue. Si elle a pu s’adapter… auquel cas, elle serait la preuve vivante que ce conflit est absurde. Je pense qu’elle deviendrait alors… plutôt gênante aux yeux de certains…"

Oui, vraiment, Margareth était persuadée qu’il y avait matière à creuser du côté de cette gamine. Elle épingla ce sujet de recherche dans un coin de son cerveau, là où elle conservait précieusement ses projets d’enquêtes afin de ne pas les oublier et continua.

"Le Nouveau Parlement fait tout son possible pour que le conflit ne s’enlise pas, même si d’après certaines rumeurs, quelques individus demeureraient assez réfractaires à l’installation d’une paix durable entre nos deux peuples. Torts à mon humble avis partagés de chaque côté de la balance, sans vouloir vous jeter la pierre. Vous n’êtes pas sans savoir que si elle fait la ruine des uns, la guerre n’en est pas moins une mine d’or pour d’autres… Il n’y a pas que la science et la politique en jeu. L’économie a également ses cartes à tirer dans cette immense partie de ‘poker’".

Tandis qu’elle parlait, la journaliste ne remarqua pas l’attitude crispée qui frappa son interlocutrice le temps d’un battement de cil. La conversation prit soudain un tournant inattendu et Margareth resta un instant interloquée. Il fallait croire qu’il était plus simple d’aller fouiller dans la vie des autres et de tout déballer publiquement plutôt que de parler de sa propre existence.

"Ma foi, je n’ai pas grand-chose d’exceptionnel à vous apprendre. Ni sur moi, ni sur ma famille. Elle est restée sur Mars, alors que je suis venue étudier sur la Lune en compagnie de mon frère. Je n’ai jamais mis les pieds sur Terre mais je ne pense pas que la vie soit tellement différente d’ici. Vous qui en venez pouvez sans doute mieux le savoir que moi en observant ce qu’il se passe de notre côté de la barrière, non ? Voyez-vous des différences entre nos deux mondes et nos modes de vie ? Après tout notre différence génétique n’est pas marquée sur notre front…"

Margareth ou l’art subtil de retourner les questions et de confondre la proie avec l'appat. Son frère, qui avait été sa cible de prédilection pour mener ses interrogatoires dès leur plus jeune âge lui avait toujours dit qu’elle avait du potentiel, capable de l’emmener loin. Et la journaliste, derrière ses apparences de débutante aux airs ahuris en était persuadée aussi…

Un certain étonnement marqua le visage de Eve, lorsque Margareth lui parla de cette petite fille… En quoi, son cas était-il plus intéressant que celui des autres Originels ayant choisi de vivre parmi les Améliorés.. ? Elle n’était ni la première, et ne serait sans doute pas la dernière à se retrouver parmi eux avec ses parents, et à moins d’avoir un talent bien particulier, elle n’avait sans doute pas matière à se démarquer du lot de ses semblables Originels. Toutefois, la journaliste était une jeune fouine aux dents bien affûté, et si elle avait retenu le cas de cette enfant Originelle plus sûrement que celui d’un autre, c’était certainement parce que il y avait une raison bien particulière à cela. Curieuse d’en connaître la raison, Eve lui demanda alors d’un air légèrement détaché :

‘’Avec tous ces Terriens partis sur la Lune ou bien encore sur Mars, il doit sans doute y avoir énormément d’enfants Originels parmi votre population… Alors que peut avoir de si particulier cette fille, pour que son cas soit cité en exemple plus qu’un autre.. ? Ferait-elle preuve d’un quelconque talent extraordinaire, que les autres n’ont pas.. ? Ou bien alors, peut-être est-ce ses parents qui lui valent cette considération particulière.. ? De toute façon une simple visite à l’état civil devrez vous renseigner sur son sort, si vraiment ce dernier trouve un quelconque intérêt à vos yeux… J’imagine que en retrouvant cet article, son identité ne devrait être guère difficile à découvrir.’’

Alors ça, c’était du scoop… Une enfant Originelle, qui avait débarqué un jour, sur la Lune avec ses parents… En entendant ceci, Eve ne s’interrogeait plus vraiment sur la raison qui avait présidé à l’envoi de Margareth sur Challenger. afin de recueillir l’avis du gouverneur Lowell concernant cet attentat martien, au lieu d’être envoyé sur un véritable reportage digne d’intérêt… Il était vrai, que tous les journalistes ne pouvaient pas devenir des Pulitzer en puissance après tout. Lorsque Margareth lui dit qu’elle la trouvait fort pessimiste vis-à-vis de l’avenir, la jeune femme ne put se retenir de lui répondre :

‘’Je ne suis pas… Représentative de ma génération, si cela peux vous rassurer… Bien loin de là même… Mais contrairement à vous et au plus grand nombre, je vois la situation d’un point de vue plus large que celui proposé par les médias et les livres d’histoires, qui ont tendance à enjoliver les faits afin d’intéresser le quidam moyen qu’il soit de l’un ou l’autre des camps. En cela, je dois bien avouer que, bien que cruelle avec les illusions et les espoirs des gens, les Nouvelles Nations-Unies sont un formidable observatoire de la situation dont nous discutons actuellement. Néanmoins, je ne suis qu’une simple assistante sans aucun pouvoirs d’influence sur le conseil de sécurité, et par conséquent je ne peux que suivre les évènements en souhaitant qu’ils s’arrange pour le mieux dans un avenir proche.. Et rassurez-vous, j’ai bien conscience que touts ceci est à mettre au crédits préjudiciable de nos deux espèces Nous ne sommes finalement que les maillons d’une très longue chaîne… Nous avons une expression illustre parfaitement cela sur Terre… le pêché du père, la faute du fils... Ceci est tellement vrai lorsque l’on y réfléchi avec intelligence…’’

Le regard de Eve se perdit alors brièvement dans le vide. Les métas avaient été conçu pour corriger les erreurs des anciens, ce qui sous entendait plus ou moins clairement qu’ils devaient payer pour les erreurs de leurs aînés, avec une vie illusoire qui ne leur appartenait pas. Triste constatation, que la parfaite illustration de ce dicton aux origines historiques désormais bien lointaines. Puis un sourire mi-amusé, mi-résigné apparut sur ses lèvres carmines, tandis que son regard ténébreux se reporta à nouveau sur Margareth…

‘’Même si nos modes de vie ne diffère pas pour l’essentiel, pour nos deux mondes il en va tout autrement. Vous qui avait grandit dans les colonies de Mars et qui ne connaissez que la lune ou bien encore cette station, voire même celle de Kepler, votre monde se résume finalement à une succession de prison de métal qui vous emprisonne dans une succession d’autarcie. Alors que sur Terre, et même si l’air y est sans l’ombre d’un doute bien moins pure que celui artificiel que vous avez toujours connu, il est pourtant bien plus riche, le vaste monde est tout entier offert à notre seule envie de le découvrir… A chaque bouffée d’oxygène, nos poumons se remplissent d’une vie naturelle, et non pas fabriqué par l’homme, et qui nous gonfle d’une vigueur et d’une insatiable envie d’aller toujours plus loin… Sans limite est la Terre, pour qui a le courage de la parcourir… Nul besoin de faire attention à ses réserves d’oxygène, de se demander si tel ou tel systèmes de survie ne va pas lâcher… La liberté, voilà ce qui différencie nos deux mondes, et qui rendra toujours la Terre, en dépit de ses nombreuses blessures, sans égale… Tout ceci engendre des raisonnements, des comportements, des visions différentes, qui creuse sans doute le fossé qui sépare les Améliorés et les Originels… Si un jour vous en avez l’occasion, venez donc faire un reportage sur la Terre et vous comprendrez bien mieux par vous-même ce que je suis en train de vous expliquer…’’

Conclu finalement Eve, tout en portant nonchalamment sa tasse de café à ses lèvres en un geste des plus élégant. En vérité, elle plaignait les Améliorés, qui ignoraient ce que signifiait véritablement vivre. Tout n’était qu’artifice pour eux… L’air… Le ciel… La nature… Rien que des choses faite sur mesure et programmé, afin de rendre leur monde plus ou moins parfait… Mais c’était une perfection tellement stérile selon elle… En tant que Méta, Eve savait ne pas être libre, tout au moins pas entièrement. Mais lorsqu’elle se retrouvait seule en pleine nature… En contemplant ce ciel bleu sans limites autre que celle de sa propre idée de l’horizon, rien ni personne, pas même le tout puissant projet dont elle était le précieux fruit, ne pouvait lui voler ces moments ou sa liberté n’appartenait que à elle et à elle seule…

Son interlocutrice sembla demeurer bien dubitative quant à la révélation de l’existence de la fillette originelle. Certes, de prime abord, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Eve avait raison en mentionnant le fait qu’il y avait sûrement plus d’un enfant originel qui avait grandit sur la Lune. Mais elle devait ignorer certains évènements liés au cas particulier de cette fillette. Désireuse d’entretenir un peu le suspens, la journaliste rétorqua simplement :

"Là où le bas blesse justement, c’est qu’à l’époque, la rumeur disait qu’elle avait débarqué sur la Lune… seule. Ce qui, vous me l’accorderez, demeure assez étrange dans le climat actuel de notre monde. Je sais pertinemment que la retrouver et l’identifier ne me poserait pas de problèmes particuliers en soi. Il suffit de savoir où chercher, comme vous venez si aimablement faire remarquer –ton doucement ironique-. Ce que j’ignore en revanche, c’est pourquoi l’a-t-on abandonnée sur la Lune s’il s’avère qu’elle est réellement arrivée là sans aucune attache. Hormis de graves problèmes, une mère n’abandonne pas son enfant, encore moins en territoire ennemi… sauf si elle tient à le condamner à une mort certaine"

Elle ne termina pas la suite de sa réflexion, trop occupée déjà à entrevoir l’entremêlas de possibilités qui pouvait expliquer cet abandon. Déjà à l’époque, cette affaire l’avait intriguée, mais aujourd’hui elle en était sûre. Elle devait mener sa propre enquête. Son flair de journaliste la titillait. Elle sentait qu’il devait y avoir quelque chose de gros sous cette histoire. Même si elle en ignorait encore parfaitement les tenants et les aboutissements, ni ce qu’elle risquait de provoquer si son enquête aboutissait et ses résultats révélés au monde entier…

Eve en revint à parler des Nouvelles Nations Unies et Margareth l’écouta avec vif intérêt, il était toujours bon de savoir ce qui se tramait chez le voisin. Surtout pour une journaliste. De par sa position, il lui semblait en effet que son interlocutrice soit assez limitée en action, mais il n’empêchait pas qu’elle siégeait au centre de l’arène.

"Même si votre champ d’action vous paraît limité pour le moment, vous n’êtes cependant pas loin des premières loges du pouvoir suprême. Les grandes sphères tirent toutes les ficelles de ce monde. Il en a toujours été ainsi. Et sans doute y accéderez-vous un jour, je vous le souhaite en tout cas. A ce moment-là seulement, lorsque la nouvelle génération aura le pouvoir, peut-être les choses commenceront-elles à changer… Il vient un temps où il faut arrêter de payer les erreurs passées pour avancer vers un avenir neuf et dénué du sang des anciennes querelles. Je pense que la plupart de nos dirigeants actuels ne l’ont malheureusement pas encore compris"

La suite des paroles de la jeune femme frappa sans prévenir Margareth en plein visage de par leur sens… si évident. Elle n’avait jamais vu les choses de cette façon. N’ayant jamais mis les pieds sur la Terre, elle ignorait ce que représentait réellement ce dont Eve lui parlait, ne pouvait juste que s’en faire une simple idée grâce aux connaissances qu’elle avait pu accumulées et leur reproduction artificielle dont ils bénéficiaient dans l’espace.

"Je dois bien admettre que vous avez raison sur ce point, dut-elle reconnaître, forcée par la logique des choses. Mais votre idée de reportage me plaît, je viendrai certainement un jour chez vous pour parler de ces choses qui vous sont si naturelles. Peut-être que mon peuple y verra une raison supplémentaire pour arrêter de bouder la Planète Bleue..."

Elle glissa un œil discret sur sa montre pour s’assurer qu’elle ne s’était pas mise en retard, mais elle en avait encore pour au moins une demi heure. Tout juste le temps d’apprendre encore moins quelque chose d’intéressant, songea-t-elle en rappelant le serveur pour se faire servir un gin tonic. Autant être en forme pour rencontrer le Gouverneur. Avec deux cafés et un gin, elle serait sans aucun doute d’aplomb…

"Vous désirez autre chose ?" demanda-t-elle à Eve en avisant sa tasse de café vide.

Après tout, les consommations étaient pour son patron...

‘’Je reprendrais bien volontiers un tasse de ce café, il est absolument excellent je trouve…’’

Le ton quelque peu ironique de Margareth n’avait pas échappé à Eve, lorsque celle-lui lui avait indiqué la marche à suivre afin de retrouver la trace de cette enfant originelle qui paraissait tant l’intriguer. Elle avait sans l’ombre d’un doute blessé la jeune femme dans son orgueil de journaliste débutante et débordante d’une ambition sans limite, et cela fit légèrement sourire la méta… Les gens qui réagissait de la sorte était en réalité si aisément manipulable, que elle se promit de garder ce détail en mémoire, pour le cas, hautement improbable, ou elle rencontrerait à nouveau Margareth. Mais concernant cette enfant originelle, l’histoire que lui raconta la journaliste lui parut quelque peu… Absurde, sans queue ni tête… A dormir littéralement debout. Eve fixa son regard ténébreux sur la jeune femme, et ce dernier sembla vouloir la pénétrer de par sa seule force immobile. Un sourire discret à nouveau, et puis elle lui demanda d’un air aussi détaché que possible :

‘’Dites-moi Margareth… Etes-vous absolument certaine de vos informations et de cette rumeur. ? Vous savez, si ses parents avaient voulu l’abandonner, il leur aurait été bien plus simple de la déposer devant un quelconque centre hospitalier sur Terre. De plus, comment un nouveau-né aurait-il pu embarquer sans se faire remarquer.. ? Ce que je veux dire, c’est que un nourrisson abandonné dans une navette spatiale, cela ne passe assurément pas inaperçu. Loin de moi l’idée de vous vouloir vous apprendre votre métier, mais à mon avis vous devriez plus sûrement vous fier aux seules faits concrets, et non pas à une quelconque rumeur imaginaire qui est bien souvent déformé par le fantasme de l’histoire qui fascine de par son aspect extraordinaire… Personnellement, je pense que cette petite fille n’a absolument pas été abandonnée, mais qu’il s’est plutôt passé quelque chose avec ses parents… De fait, je ne saurais trop vous conseiller de vérifier par vous-mêmes le fin mot de cette histoire qui semble tant cous passionner, en retrouvant les articles inhérents à celle-ci, et à les lire de vos propres yeux afin de vous forger votre propre opinion de… Professionnelle… De plus, je trouve navrant que vous manquiez autant d’impartialité, en supposant que cette enfant a forcément été envoyé en territoire ennemi. Malgré les propos que nous avons tenu précédemment, cela démontre de votre part un certain sentiment pro-amélioré qui nuit à votre crédibilité de journaliste indépendante, comme elle se devrait d’être.’’

Eve cessa ensuite de parler, Consciente d’avoir pousser encore un peu plus loin l’insulte, et arrangea négligemment ses dossiers trônant sur le côté de son ordinateur. Tout en faisant cela, elle ajouta en un bien vilain coup de grâce :

‘’Je pense que vous devriez abandonner cette histoire de fillette venue de la Terre, je suis persuadée qu’elle n’a en fin de compte rien de particulier… Tout au moins, pas plus que tous les autres enfants originels qui ont grandit sur la Lune… Je trouverais dommage que vous finissiez par écrire des articles que ne viendrait étayer aucun fait, comme le font tous ces petits gratte-papier qui ne cherche que à impressionner leur rédacteur en leur offrant du sensationnel à tous prix.’’

Vilaine, vilaine, vilaine petite Eve, qui avait trouvé là un moyen de se distraire quelque peu aux dépends de la jeune femme. Certes, ce n’était pas très gentil de sa part, mais la politique était parfois tellement ennuyeuse, qu’il lui aurait été dommage de rater une trop rare occasion de s’amuser quelque peu… Et puis, Ce n’était bien méchant en définitif… Surtout que tout n’avait pas été vide de sens dans son discours… Lorsque Margareth rebondit sur sa position au sein des Nouvelles Nations-Unies, Elle ne put cependant retenir un bref mais vif éclat de rire… Décidément, cette jeune femme avait une bien drôle d’idée la concernant. IL était parfaitement évident qu’elle ignorait les rouages de la politique, si elle pensait que Eve atteindrait un jour le pouvoir suprême, comme elle appelait le poste de représentante aux Nouvelles Nations-Unies. La méta se fit le devoir de la corriger immédiatement dans ses illusions, afin qu’elles ne se berce pas dans ses idées fausses concernant le monde impitoyable du pouvoir…

‘’Vous êtres très aimable Margareth, et vous aviez raison en disant que je suis aux portes du pouvoir ultime… Mais malheureusement pour moi, ces mêmes portes seront éternellement inaccessible à la simple assistante que je suis. Comprenons-nous bien, voulez-vous.. ? Je ne doute pas d’être en capacité d’endosser le rôle de représentante, ou pourquoi pas, un jour, de secrétaire générale des Nouvelles Nations-Unies, mais ce genre d’affectation n’est que jeu d’intrigue et de complicité politique. Sachez que déjà, les futurs élus sont en pleine formation afin de se préparer à ces postes d’importance… C’est un peu comme une hérédité, chacun a plus son moins son dauphin, qu’il ou elle voit déjà monter sur le trône à sa place. Ne vous fourvoyez pas en imaginant que démocratie égal justice, c’est une idée reçue, que sans nul doute les originels et les améliorés doivent avoir en partage. En ce qui me concerne, je ne suis qu’une simple assistante, certes très efficace, je me dois de l’avouer, mais j’imagine sans doute que je finirais ma carrière en tant que telle… Mais le salaire n’est assurément pas mauvais, loin de là même, vous pouvez m’en croire… Alors pourquoi m’en plaindre.. ?’’

Ce que Eve venait de dire à la jeune journaliste n’était pas entièrement faux, mais elle savait que si le besoin s’en faisait ressentir un jour, nul doute que le projet s’arrangerait au mieux afin de lui faire atteindre les sommets…. Le projet pouvait tout faire après tout, c’était une réalité des plus indéniable. De toute façon, Eve était pratiquement certaine de ne pas voir sa vie durer aussi longtemps, alors pourquoi s’imaginer dans un avenir qui ne serait rien de plus qu’une illusion.. ? Elle laissait ce genre de rêve au commun des originels. Comme pour se rattraper de sa désobligeante mais innocente facétie vis-à-vis de Margareth, la jeune femme ajouta :

‘’Si un jour vous venez effectivement sur Terre Margareth, contactez-moi… Il vous faudra certainement un guide pour vous diriger dans ce monde inconnu et je me ferais un plaisir d’être celui-ci si cela vous fais plaisir… Et puis, j’avoue que je serais très curieuse de voir quel sorte de reportage vous viendrez faire…’’

En dépit de ses propos quelque peu acerbes, Eve ne doutait pas du fait que la jeune journaliste finirait un jour par percer… C’était inévitable, avec des dents aussi longues… Soudain, son communicateur sonna de l’intérieur de sa mallette, et elle en sortit aussitôt un dispositif de communication composé d’une platine de réception électrostatique cerclée de quatre tiers de cercle qui sont relié par de fines tiges de silicium. Un produit de qualité et d’un prix plus que certain, bien loin de ce que pouvait fournir les organismes gouvernementaux. Eve le déposa sur la table, et après en avoir effleuré la surface d’un doigt apparut en miniature un hologramme parfait de Lilith vêtue de son inséparable tailleur et nantie de son air toujours aussi tristement sérieux. Une représentation visuellement semblable à toute personne réelle, si ce c’était la taille, et qui venait appuyer la valeur de l’équipement. Lilith s’adressa à Eve après l’avoir salué, et lui dit d’un ton sans doute un peu trop stricte :

‘’Le bureau du gouverneur Lowell vient d’appeler Eve. Tu as obtenu un rendez-vous avec lui, dans une heure, j’espère que tu as suffisamment rassembler de données afin de lui présenter une vision concrète et acceptable du projet.’’

Un sourire amusé illumina brièvement le visage de Eve… décidément, cette version de Lilith prenait son rôle très aux sérieux… pour un peu, on pourrait s’imaginer que c’est elle l’assistante, et Eve l’hologramme sensée la servir… Malgré tout, la jeune femme aimait beaucoup Lilith… Surtout l’autre Lilith en fait, mais cela elle ne pouvait en parler à qui que ce soit… L’hologramme disparut après que Eve l’ai remerciée, puis laissant la son communicateur elle regarda Margareth en lui disant d’une voix légèrement moqueuse :

‘’Lilith est une véritable mère pour moi, mais elle prend parfois son rôle un peu trop au sérieux…’’

Eve accepta volontiers de reprendre une tasse de café et les deux jeunes femmes continuèrent leur conversation lorsque le serveur eut fini de les servir. Son interlocutrice ne semblait toujours pas convaincue concernant l’histoire de la fillette et semblait prendre un malin plaisir à démolir les arguments de la journaliste. Mais peu importe, Margareth avait l’habitude de ce genre de comportement et loin de l’effrayer, cela avait juste le don de la faire sourire. Son instinct de fouineuse ne la trompant presque jamais, si elle sentait le filon dans cette affaire c’est qu’il y avait au moins quelque chose à creuser et un jour, elle saurait quoi. Par n’importe quel moyen s’il le fallait…

"Ne dit-on pas qu’à chaque rumeur, il y a un fondement de vérité ? répliqua-t-elle face à la deuxième attaque d’Eve. Je pense que dans le cas présent, cela mérite réflexion. Vous voyez, si les rumeurs penchent vers la vérité, même vous vous soulevez des arguments qui rendent cette affaire peu claire. Ses parents auraient en effet eut plus facile de l’abandonner sur Terre, il se peut donc que l’origine de cette histoire concerne également ses parents… Mais n’ayez crainte, face à Eve qui continuait à vouloir l’enfoncer, il va de soi que je vérifie toujours deux fois ce que je raconte avant de publier"

Elle but une gorgée de son gin tonic avant de poursuivre. Le délicat sujet de l’opposition entre les deux camps était réapparu et Margareth décida d’être très claire.

"Rassurez-vous, il y a encore une différence entre le dire et le penser réellement. Si ce que je pense s’avère vrai, je n’approuve pas du tout de telles méthodes ! Je suis d’ailleurs surprise que vous ne l’ayez toujours pas compris avec notre discussion. Je suis Améliorée et vous Originelle et regardez, cela m’est parfaitement égal. Je trouve ce conflit plus que ridicule tout comme vous."

L’image furtive de sa chef lui traversa l’esprit pendant une fraction de seconde. Lyriana Fairbanks, directrice de l’Intrépide, risquait de ne pas apprécier de tels propos, mais pour une fois, cela faisait du bien de pouvoir parler librement. Margareth était loin d’être dupe et il y avait au moins deux choses dont elle était certaine. La première c’est qu’elle savait que sa supérieure attendait beaucoup d’elle pour le journal. Et la seconde, malgré ce que sa chef pouvait en dire, elle avait bien senti par moment le sentiment pro-amélioré de Madame Reenan, sentiment qui avait tendance à se généraliser au sein du Bureau depuis quelques mois. Alors en tant qu’adepte à la neutralité, elle avait vite compris qu’elle ne devait pas afficher trop haut ni trop fort ses convictions si elle voulait avoir une chance de continuer sa carrière. Pour la bonne cause…

Les deux jeunes femmes poursuivirent la conversation sur la carrière politique d’Eve. Il était vrai que ce monde était plutôt étranger à Margareth, s’étant vue investie d’une mission dès son plus jeune âge, elle s’était tournée vers la communication au détriment de la politique qu’elle avait laissée loin derrière elle. Et d’après les explications de la jeune femme, elle ignorait visiblement encore pas mal de choses. Mais elle put néanmoins observer une constante que l’on retrouvait à peu près partout dès que l’on commençait à parler du pouvoir, la manipulation.

"J’avoue qu’en ce qui concerne la politique, c’est un domaine que j’ai plutôt laissé tomber, mais il est amusant de constater que tout, finalement n’est que jeu de séduction et manipulation pour arriver à ses fins… Et ça, quelque soit le milieu dans lequel on se trouve… Mais qui sait ce que nous réserve l’avenir, vous aurez peut-être des surprises."

Lorsqu’Eve se proposa de la guider si un jour elle venait sur Terre, Margareth accepta volontiers, car derrière les propos acides de la jeune femme, la journaliste avait apprécié la discussion. Elle n’aurait su dire pourquoi, mais la jeune femme lui semblait différente… Si seulement, elle avait su à quel point ! Elle avait cette petite chose qui rendait une personne plus intéressante qu’une autre et elle ne doutait absolument pas d’être déçue si elle croisait un jour à nouveau la route de cette jeune femme. Quand Eve sortit son communicateur, Margarteh sut que la fin de la discussion approchait. Il serait bientôt l’heure. Par contre, elle ne put retenir sa surprise lorsque l’hologramme annonça à sa propriétaire sa destination. Finalement, peut-être ne se quitteraient-elles pas encore tout de suite. Quand Eve lui avait annonçé qu'elle venait aussi pour le Gouverneur, la journaliste ne s'était pas doutée qu'elle avait également rendez-vous le même jour.

"Eh bien, on dirait que le Gouverneur Lowell est fort demandé aujourd’hui, pour un homme qui limite ses entretiens au minimum syndical, confia-t-elle à Eve en observant la jeune femme miniature. Les AI m’ont toujours à la fois fascinée et rebutée… j’ignore pourquoi…"

Un sourire se dessina sur les lèvres de Eve, lorsque Margaret lui assura de sa neutralité concernant le conflits qui opposait les améliorés aux originels. La jeune femme paraissait sinçère, dans son désir de faire abstraction de leur différence, mais elle doutait très fortement que nombre de ses semblables partageait ce point de vue des plus neutre.

"Certes, certes..."

Lui dit-elle alors en balayant du revers de la main une poussière inexistante ur la table...

"Je m'excuse si je vous ai quelque peu heurté Margareth, mais ce propos trahit toutefois un relent d'éducation pro améliorés, même si vous ne vous en rendez pas vraiment compte... C'est du domaine de l'inconscient collectif, et vous n'y pouvez rien. Mais je vous rassures, c'est certainement la même chose chez les originels..."

Les idées reçues... L'éducation... qu'elle soit familiale, ou bien civil... Toutes ces choses se fondaient en un bien curieux amalgame, qui finissaient par façonner ce que les être vivants devenaient une fois adultes. Certains optaient pour la facilité en se laissant entrainer en direction d'un patriotisme parfois bien vil, tandis que d'autre, sans doute la plupart des gens, quelque soit leur nature génétique, se voyaient perpétuellement tiraillé entre leur devoir inconscient envers leur espèce, et leur propre appréciation de ce melting-pot d'éducation et d'idées. C'était visiblement le cas pour la jeune journaliste qui lui faisait face, et pour elle..? Ma foi, il était bien difficile de répondre, étant donné que Eve devait y ajouter une donnée supplémentaire que les autres, qu'ils soient d'un bord ou de l'autre, n'avaient pas à prendre en compte. Malgré son ascendence originel certaine, la méta n'en faisait nullement partie. Elle était tout autre chose, quelque chose de nouveau, d'inconnu... Si ce n'était leur nombre plus que réduit, sans doute aurait-elle parlé de peuple méta... Mais vu la situation actuelle, tout au plus pouvait-on parler de famille... Une bien étrange fratrie cela dit, ou eux-même se divisait en ce que l'on pouvait appeler quatre brnche génétique bien distincte en dépit de leur profonde ressemblance... Non... en fin de compte, on ne pouvait même pas parler de famille ou de peuple méta... Il n'y avait que les métas, uniquement. Rout ceci avait plongé Eve dans une profonde réflexion, dont elle sortit quelque peu rêveuse en poursuivant sur le sujet de cette enfant qui paraissait vraiment intéresser Margareth...

"Entre vous et moi Margareth, est-ce vraiment utile d'aller remuer le passé de cette fille qui à fait la une des journaux, il y a plusieurs années de cela..? Je ne doute pas que son histoire intéresserait nombre de vos lecteurs, mais... Et elle..? Y avez-vous seulement penser..? J'imagine qu'elle doit être heureuse aujourd'hui, sans doute adopté par un couple de Selenopolis. Peut-être même, ne sait-elle rien de toute cette histoire... Posez-vous la question... Est-ce que cela vaut vraiment la peine, de bouleverser sa vie après tant d'années..? Si elle est au courant de tout, peut-être ne voudra-t-elle pas voir ce passé venu d'ailleurs, bouleverser sa vie d'amélioré... Et si au contraire elle ignore tout de sa venue sur la Lune, pourriez-vous moralement assumer le fait de luir évéler une vérité qui, peut-être, finira par détruire sa vie..? Je sais bien que un véritable journaliste est toujours à la recherche de la vérité quelle qu'elle soit, mais... N'y a t'il pas des vérités qui, parfois, se doivent de demeurer caché pour le bien de tous..?"

La jeune femme venait de soulever là, un bien intéressant, mais très épineux point de morale et d'éthique... La vérité, oui, mais... La vérité à tous prix..? Voilà encore une question des plus existencielle, une de plus... La pensée que ses créateurs l'entendent prononcer de telles paroles rendit Eve légèrement songeuse. Sans doute, cela lui aurait-il valu, quelques années plus tôt tout au moins, un sérieux recadrement... Un méta ne réflechit que dans le cadre de ses ordres, et pas autrement, lui avait dit un jour Flora... En la matière, la jeune femme s'apparentait en quelque sorte à Lilith. Elle aussi, ne devait penser que en fonction de ce que on lui fournissait comme programmes. La seule différence finalement, résidait dans le fait que les méta étaient des être vivants, rien de plus...

"La vie elle-même n'est que manipulation..."

Lâchaz soudain Eve sans prévenir, suite aux propos de son interlocutrice concernant le fait que ses propos sur son milioeu professionnel étaient associable à tout autres domaines. Puis, elle vit cette dernière comme fascinée par l'apparition de lilith, et à l'aveu de Margareth à propos de son attirance et de sa crainte des intelligences artificielles, Evve sourit doucement quelque peu amusé...

"Les intelligence artificielle sont en effet à la fois troublante et attirante..."

Commença Eve...

"Je suppose que c'est parce que, quelque part, elles nous renvoi à une image de nous-même que nous avons tous tendance à oublier... Nous ne sommes, tous sans exception et en dépit de ce sentiment de contrôle sur nos vie, rien de plus que des créations... Soit-disant divines pour les originels, et humaine pour vous autres les améliorés... Dien à créé l'homme, et l'homme à créé d'autres hommes... Qui eux-mêmes, on fini par créer les intelligences artificielles... Si vraiment Dieu à créé l'homme, quelqu'un l'a-t-il créé, lui..? Partant de ce constat, les originels ne devraient-il pas être, logiquement, les divinités des améliorés..? Et ceux-ci, ne devraient-ils pas les révérer comme il sied à une divinité..? Je crois que c'est pour cette raison que les intelligences artificielles fascinent et, en même temps, effrayent... Parce que finalement, elles ne font que refléter notre propre condition que nous préférons oublier. Qui sait, peut-êrte qu'un jour l'une d'entres elles enfantera d'une vie nouvelle..."

Avec son discours, Eve venait de monter le niveau de la conversation à une hauteur assurément des plus vertigineuse. Trop peut-être, Margareth préférant sans l'ombre d'un doute les faits à la philosophie... C'est pourquoi, la jeune femme ramena la discussion à un niveau plus accessible pour la journaliste en encharnant sur son propos concernant le gouverneur Lowell... Après avoir porté sa tasse de café à ses lèvres suite à son long discours, elle ajouta :

"Cela fait trois jours que je suis ici, et depuis trois jours je tente d'obtenir un rendez-vous auprès du gouverneur Lowell. Il m'est donc fort agréable d'avoir enfin réussi à en obtenir un. Mais je trouve que pour une envoyée officielle des Nouvelles Nations-Unis, il aurait pu faire un effort... Je suis venu ici pour une chose des plus importante pour la Terre après tout..."

Il était assez étonnant que depuis le début de leur conversation, Margareth ne se soit pas ouvertement interrogé sur le pourquoi de la présence de Eve sur Challenger... Mais peut-être que les affaires de la Terre ne l'intéressait pas après tout... C'était une éventualité, vu le sujet pour lequel elle-même désirait voir le gouverneur...

A la fois envoûtante et hypnotisante, Margareth dut se forcer pour détacher son regard de l’AI miniature et reporter toute son attention sur son interlocutrice originelle. Celle-ci s’excusa d’avoir eu des propos quelque peu acerbes et de la même manière qu’Eve chassa un grain de poussière sur la table, Margareth lui fit signe nonchalamment que l’affaire était close.

"Ce n’est rien, je suis persuadée qu’il y a une part de vérité dans vos paroles contre vous et moi ne pouvons hélas rien faire… Comme vous le soulignez, c’est malheureusement inconscient"

Alors qu’elle terminait son gin tonic, Eve continua sur le sujet qui intéressait Margareth et lorsque la jeune femme aborda les conséquences qui pouvait parfois suivre des révélations fracassantes. La jeune journaliste connaissait évidemment bien cette facette de son métier.
Et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la jeune femme avait encore une conscience. Certes, pour elle la vérité avant tout l’emportait sur beaucoup de choses mais tout déballer sans prendre le temps d’analyser pour bien comprendre, ce n’était pas dans ses habitudes. A moins bien sûr qu’elle soit sûre d’agir pour l’intérêt de la majorité.

"J’admets que vous avez raison ma chère, et en tant que journaliste, vous comprendrez bien que, elle hésita un instant avant de continuer, ce cas de conscience pose parfois problème. Bien entendu, si elle est courant de tout l’affaire, cela ne servira à rien de tout remuer… du moins je ne pense pas. Mais dans le cas contraire, si elle ignore tout de ses origines, ne pensez-vous pas que cette enfant a le droit à la vérité ? Sa propre vérité ? Vous parlez de détruire sa vie, je pense au contraire que sans la vérité, on ne se construit jamais parfaitement. Alors oui, toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre, mais elles sont nécessaires. Même si c’est douloureux… Elle n’en sera que plus forte après…"

Lorsque leur conversation dériva sur les AI, Margareth écouta attentivement les propos de la jeune femme. Derrière leur apparente complexité, ils étaient d’un sens évident. L’éternelle question du créateur et de sa créature. Le débat était ouvert depuis fort longtemps et pourtant, il n’y avait toujours pas de réponses concrètes. La journaliste approuva d’un simple hochement de tête.

"Et il ne fait aucun doute que cette interrogation est quelque part responsable du conflit perpétuel qui oppose nos peuples… Comment des hommes, tant désireux de contrôler leur vie peuvent-ils accepter d’être dépendants d’autres hommes ? Tant que cette question ne trouvera pas sa réponse… Il y aura opposition."

Les dernières paroles d’Eve la firent presque frissonner. Imaginer que les AI pourraient un jour devenir indépendantes était parfaitement inconcevable ! Vraiment ? A bien y réfléchir… qui aurait cru qu’un jour des êtres tels que les Améliorés auraient pu voir le jour ? N’étaient-ils pas la preuve vivante que de plus en plus de choses devenaient possibles ? Partant de ce constat, la possibilité de voir un jour les AI au pouvoir devenait au contraire tout à fait envisageable… et cette simple idée était tout simplement effrayante pour la jeune femme.

"Je préfère sincèrement ne pas imaginer le monde sous le contrôle des AI, quand on voit ce qu’elles sont déjà capables de faire maintenant."

Margareth se tut un instant songeuse, son doigt délicatement posé sur les montures écarlates de ses lunettes.

"Quoique… Cela aurait peut-être le mérite de redonner la raison à nos patries. Je crois qu’à côté d’une telle situation, notre guerre paraîtrait on ne peut plus futile et désuète. Face aux AI, nous n’aurions absolument aucune chance je pense, encore moins si nous nous divisons…"

Peu après la communication de son interlocutrice, ce fut au tour de son propre communicateur de se faire entendre, mais au lieu de voir apparaître une silhouette digitale, il émit simplement un bip sonore suivi d’un message que Margareth s’empressa d’écouter. Soudain, son visage afficha un air contrarié. Quand elle remit son communicateur dans son sac, la contrariété avait disparu pour faire place à un certain agacement.

"Eh bien, on dirait que les Nouvelles Nations Unies ont réussi à vous faire avancer votre rendez-vous en faisant sauter le mien… Il a été reporté dans la journée"

Lasse, Margareth émit un soupir de mécontement mais elle ne se laisserait pas démonter aussi facilement.

"Mais… en fait, je ne suis pas surprise, ce n’est pas la première fois que ça arrive. Et puis, je ne suis ici que depuis hier…" dit elle avec un léger sourire…

"Au fait, je ne vous ai pas demandé pourquoi vous deviez rencontrer le gouverneur ? Enfin, je comprendrai très bien si vous ne voulez pas me répondre, mais sachez que je vous le demande comme dans une simple conversation"

En effet, vu qu’elle ignorait à présent quand elle rencontrerait le Gouverneur Lowelle, Margareth décida de mettre de côté la journaliste qui prenait possession d’elle la majorité de son temps… Une façon comme une autre d’oublier un peu le boulot, même si ses détracteurs vous rétorqueraient mordicus qu’un journaliste le reste tout au long de sa vie, 24h sur 24.

Eve eu un sourire amusé en écoutant le propos sans doute quelque peu acerbe pour la journaliste qu’elle était, et lui rétorqua comme une évidence :

‘’Le pouvoir de la presse est grand, mais celui de la politique l’est assurément plus ma chère… Peut-être auriez-vous du vous diriger vers la politique pure, au lieu de choisir les faits divers comme rubrique de prédilection. Quoi qu’il en soit, je suis désolée pour vous mais vous venez d’avoir une démonstration de ce qui fait ma vie de tous les jours dans mon métier.’’

Assurément, la jeune femme ne comptait plus le nombre de fois ou un rendez-vous pris de longue date avec un politicien, s’était vu repoussé aux calendes grecques, dans le meilleur des cas, ou bien encore définitivement annulé parce que telle ou telle personnalité plus ou moins influente, avait un droit de préséance indiscutable sur une simple représentante des Nouvelles Nations Unies… Et encore plus, sur son inexistante assistante qui n’était généralement même pas considérée. Travailler pour les politiques c’était bien souvent faire fi de son ego, ce que Eve avait heureusement l’habitude de faire depuis sa naissance… Dans les propos de Margareth concernant les intelligence artificielle, quelque chose frappa Eve… Quelque chose qui, en apparence était assez bénin, mais pourtant avait frappé la méta. Quelque chose, ne lui en déplaise, de fâcheusement très humain… Elle ne put d’ailleurs s’empêcher de lui en faire la remarque :

‘’S’allier contre des intelligences artificielles qui se seraient affranchies, et qui auraient acquis leur indépendance avant de fonder leur propre civilisation.. ? Mais pourquoi.. ? Pourquoi réagir immédiatement de la même manière que les Originels ont réagis face à l’émergence de la civilisation Améliorés.. ? Pourquoi, imaginer tout de suite que cette nouvelle espèce se montrerait forcément hostiles à nos deux peuples.. ? Je ne vous apprendrais rien, en vous disant que c’est ce genre de réaction qui a conduit aux conflit dans lequel nous nous trouvons encore aujourd’hui…’’

Voilà, ce qui causait parfois des doutes dans l’esprit de Eve… En elle-même, elle n’avait rien contre les Améliorés, même si toute son éducation avait été concentré sur leur destruction. La méta pensait parfois que leur destruction n’était pas justifiée, que peut-être les deux races pouvaient un jour trouver une façon de vivre, si ce n’est ensemble, au moins dans une paix qui ne serait pas fragile. Mais lorsqu’elle constatait que ces mêmes Améliorés, et en cet instant présent Margareth, avait finalement les mêmes travers que leurs créateurs, alors elle se disait que en effet leur disparition serait un bien. Pourquoi les laisser exister, s’ils ne parvenait pas à se montrer différent de ceux qui les avaient créé.. ? Selon Eve, il était inutile d’adjoindre un mal supplémentaire au mal lui-même… Loin d’être agacée toutefois, Eve était cependant déçu par Margareth. En dépit de sa naissance et de son métier bien souvent méprisant, elle avait trouvé la jeune femme plutôt sympathique et lui avait donné une image plutôt positive des Améliorés. Mais elle avait sombré dans l’un des travers Originels qui avait conduit son propre peuple à se voir chasser, et pour Eve c’était tout aussi parlant qu’une déclaration de racisme en bonne et due forme. Peut-être que finalement, l’être vivant en lui-même était foncièrement mauvais… Chassant ces sombres pensées, la jeune femme rebondit aussitôt sur cette jeune terrienne arrivée sur la lune en étant bébé. Margareth pensait qu’elle devait savoir d’ou elle venait exactement, pour pouvoir se construire et avancer. Mais…

‘’Cette jeune fille, celle qui vient de la Terre… La vérité sur ses origines la renforcera-t-elle, ou bien la détruira-t-elle définitivement.. ? Même si je comprends votre position, il y a des mystères dont il vaut mieux ne pas soulever le voile, de peur qu’un seul souvenir ne vous tue…croyez-vous vraiment qu’elle sortira grandi de la connaissance de ses origines, si jamais elle découvre que ses parents sont des escrocs ou bien encore des personnes méprisables.. ? Ou pire peut-être… Des traîtres, voire des meurtriers… Qui aimerait apprendre, après peut-être une vie passé auprès de parents aimant, qu’il est d’une engeance aussi sordide.. ? Vous devez le savoir aussi bien que moi, la vérité est une arme à double tranchant…’’

Acheva Eve, consciente que, quelque part, c’était un peu de sa propre vérité qu’elle parlait. Celle de tous ces métas qui, contrairement à elle, avaient la chance ne pas avoir grandi en ayant connaissance de leur nature exacte. Même si leurs existence avait été entièrement guidée vers la haine des Améliorés, au moins avaient-ils vécu toute leur vie comme tous les autres enfants de la Terre… Souvent, Eve s’était demandé, un peu comme une grande sœur de par son statut de Méta zéro, comment ceux-ci réagiraient.. ? Certains, parfaitement conditionné répondraient admirablement aux attentes de leurs créateurs, mais les autres.. ? Combien mettraient du temps à accepter, à admettre que leur vie toute entière n’était qu’une illusion destinée à masquer la vérité.. ? Et surtout, comment ressortiraient-ils de cette vérité destructrice.. ? Bien souvent, dans la solitude de son esprit, la jeune femme se posait cette grande interrogation. Lorsque finalement Margareth se décida à la questionner sur son travail, sans doute curieuse de connaître quelle était cette chose importante qui lui avait fait perdre son rendez-vous, Eve lui répondit :

‘’Ne vous en faites pas… Mon travail n’est en aucun cas un secret, et vous pouvez même en parler dans votre journal… Même si je doute que, premièrement cela intéresse les Améliorés, et deuxièmement que cela leur fasse réellement plaisir… En fait, La représentante des Nouvelles Nations-Unies pour laquelle je travaille, Morgana Abrozzio, a en charge un projet initialement proposé par son prédécesseur, au conseil de sécurité. Il est dit sur Terre que, quelle que soit la situation, la vie reprend invariablement ses droits la sur la vie. En l’occurrence, après la guerre le taux de natalité de la population de la planète à repris sa croissance en s’accélérant de plus en plus aux rythme des générations. Aujourd’hui, nous en sommes à un point ou les villes sont surpeuplé, et nombre d’entres elles sont de venue des véritables mégalopole de plusieurs milliards d’âmes. Ceci est principalement du au fait que, suite aux conséquences de la guerre, un grand nombre d’endroit sur Terre sont devenues inhabitable. Les survivants on alors du se regrouper la ou la vie était encore possible, mais si nous continuons ainsi il arrivera un moment ou même ces endroits finirons par ne plus pouvoir accueillir les futures générations à venir. C’est pourquoi, les Nouvelles Nations-Unies, en collaboration avec certains pays, veulent engager une politique de réhabilitation de ses endroits devenues zones mortes, à l’initiative du projet cité un peu plus tôt.. Je vous passe les détails de cette politique, la situation politique sur Terre étant assez compliqué avec certains états n’adhérant pas aux idéaux des Nouvelles Nations Unies. Si je suis la donc, c’est pour convaincre le gouverneur Lowell de bien vouloir accorder un entretien à Morgana Abrozzio, afin qu’ils puissent envisager une collaboration visant à rendre réalisable cette réhabilitation de la Terre. Il faut savoir que certains travaux d’expérimentation sur le sujet ne peuvent se faire qu’en état d’apesanteur, et Challenger V est par conséquent tout désigné pour cela de par sa disponibilité immédiate et matérielle, que ce soit pour les recherches elles-mêmes, ou bien encore pour tout ce qui touche aux conditions de vies des chercheurs et des ingénieurs.’’

Eve tapota doucement son ordinateur, et ajouta :

‘’C’est d’ailleurs à cela que je travaillais, afin de présenter un dossier exhaustif mais résumé au gouverneur Lowell, afin de le convaincre de bien vouloir recevoir celle qui aura pour tâche de véritablement le convaincre d’accepter notre proposition de coopération… Comme vous pouvez le constater, il n’y a vraiment rien de bien mystérieux dans ce rendez-vous.’’

Conclu-t-elle finalement, dans un sourire… Nul doute que la représentante italienne en profiterait pour tenter de glisser quelques tentatives de fléchissement en faveur des Originels, mais après tout… C’était de bonne guere, et les Améliorés en feraient certainement autant.…

Finalement, Eve accepta de répondre à sa question et comme elle l’avait promis, Margareth mit de côté son instinct journalistique le temps de l’écouter. Et de constater à quel point elle avait raison. Mais, toujours souriante, cela ne l’empêcha pas de rétorquer

"Je ne changerais ma place pour rien au monde, entre essayer de s’y retrouver dans un fatras de ficelles tellement emmêlées que même le jeu de certaines marionnettes finit par paraître contrefait et tenter de débusquer la vérité, la seule et l’unique, mon choix est vite fait !"

Il ne s’agissait pas spécialement d’une attaque dirigée contre Eve ou bien ses supérieurs – non, la journaliste espérait qu’à ce stade de la conversation, les deux parties avaient atteint une certaine maturité qui permettait un échange appuyé- mais dans son esprit, le domaine de la politique resterait pour longtemps un monde nébuleux où la notion de confiance était toute relative.

Par contre, en écoutant plus longuement les arguments de la jeune femme sur la question des AI, elle dut reconnaître que la sécrétaire des NNU marquait un point. Elle avait réagit trop vite. Ou bien peut-être comme n’importe qui l’aurait certainement fait.

"Vous avez raison ce serait… condamner tout espoir d’échange avant même de les envisager. Cependant le schéma est trop clair… trop connu pour ne pas y faire allusion. Et il a encore trop tendance à surgir, comme vous avez pu le voir. Mais vous pensez sincèrement qu’un peuple oppressé s’alliera de pleine grâce avec ses anciens oppresseurs ? Parce qu’actuellement, nous n’en sommes certes pas au point d’oppresser les IA, mais il faut bien reconnaître que pour beaucoup d’entre nous, elles s’occupent des tâches que la plupart des humains rechignent à exécuter… J’espère évidement qu’on songera d’abord à la communication avant l’opposition si de tels évènements devaient se produire un jour. Nous avons fait l’erreur une fois entre nos deux peuples, à nous de faire bon usage des erreurs de nos ancêtres"

Margareth était de nature optimiste. Ce n’était pas facile tous les jours mais elle croyait vraiment que la situation changerait. Elle voulait y croire en tout cas. Et c’était sans doute en partie cette volonté et cet espoir, lié à son insatiable curiosité qui ne trouvait de répit qu’avec l’éclosion d’une vérité supplémentaire qui l’avait poussée à se consacrer au journalisme. Et en parlant de vérité…

"C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre actuellement, n’étant pas en possession de tous les morceaux de l’histoire. La vérité est à la fois redoutée et redoutable mais je la pense nécessaire. Et quoiqu’il arrive, on se sort toujours grandi des épreuves, la vie ne serait pas ce qu’elle est sinon…"

Peut-être était-ce encore là le point de vue d’une jeune fille pas encore désabusée, mais assurément c’était encore celui de Margareth. L’insouciance de la jeunesse ? La volonté de croire en un meilleur monde ? A des améliorations futures possibles ? A moins que cela ne soit un savant mélange de tout cela… Lorsqu’Eve lui fit part des raisons de sa présence sur Challenger, la journaliste fut sincèrement enthousiaste.

"Effectivement, rien de très mystérieux, mais cela n’empêche pas ce projet d’être très intéressant ! J’en parlerai certainement dans un de mes articles. Après tout, il suffit parfois de peu de choses pour faire naître un dialogue. Et je pense que beaucoup d’Améliorés devraient se pencher un peu plus souvent sur l’état de la Terre. Nous en sommes encore à un stade où la plupart ne s’en préoccupent pas car ils ne se sentent plus concernés. Ils ont quitté la Terre au fil des générations, en faisant fi de la destruction et l’état déplorable qu’ils ont laissé derrière eux suite à la Première Guerre mais ils semblent oublier que la planète bleue reste leur berceau… et donc le mien par extension"

Quelque part au fond de son sac, son communicateur sonna à nouveau. Avec un geste d’excuse, elle décrocha et appréhenda légèrement ce qui allait encore lui tomber sur la tête. Mais à son grand soulagement, cette fois-ci, il s’agissait d’une bonne nouvelle. Avec un sourire ravi, elle coupa la communication et précisa à l’attention d’Eve, sincèrement gênée. Leur entretien était réellement constructif et elle aurait été très contente de le poursuivre

"Je vais devoir interrompre notre discussion. Mais je serais ravie de la continuer un autre jour si cela vous tente ? qui sait au détour d'une nouvelle attente pour un rendez-vous commun..."

Après tout pourquoi s’arrêter en si bon chemin lorsque les choses s’annonçaient passionnantes ?

En écoutant Margareth comparer sa voie professionnelle et la sienne, Eve se mit à sourire, légèrement amusé. La jeune femme améliorée ne se doutait pas un seul instant de la justesse de son interprétation concernant le milieu ou la méta évoluait depuis si peu de temps et en même temps depuis si longtemps, tant son éducation avait été toute entière axée vers ce but final. Si l’homme était un loup pour l’homme, le politicien était un charognard toujours sur le qui vive afin de profiter de la moindre faiblesse de ses adversaires. A la différence des animaux qui tuaient uniquement pour se nourrir, sans excès, le politicien lui, n’agissait que pour le pouvoir. Peu importait celui qui était le sien, il attaquait encore et encore, jusqu’à en obtenir toujours plus… Jusqu’à ce que lui-même, ne finisse sous les crocs acérés d’un adversaire plus jeun et plus rusé… Finalement, la loi de la jungle n’était qu’un conte pour enfants en comparaison de la loi des hommes et du pouvoir. Lorsque la journaliste en eu fini, Eve pencha doucement la tête sur le côté et lui dit doucement :

‘’Vous avez entièrement raison, le monde de la politique est un milieu hostile, bien plus que celui du monde sauvage d’autrefois. Même si la franchise et l’honnêteté n’y sont pas absent, c’est avant tout le mensonge et les manipulations en tous genres qui prédomine dans cet univers ou les plus faibles et les plus naïfs ne résistent guère longtemps. Quelqu’un comme vous se ferait rapidement déchiqueté par les rouages impitoyable du système, sans même que vous ayez le temps de vous en apercevoir…’’

Songeuse, Eve e plongea dans une profonde réflexion intérieure… Et elle qui arrivait à y faire son petit bonhomme de chemin.. ? Etait-elle aussi un charognard, prêt à fondre sur les faibles et les idéalistes comme Margareth.. ? Sans doute… N’avait-elle pas été éduqué dans ce but après tout.. ? Tuer sans l’ombre du moindre sentiment. Que ce soit les améliorés ou les politiciens, le principe n’était guère différent après tout… Revenant finalement sur Margareth, la jeune femme ajouta :

‘’La vérité.. ? Il serait illusoire de penser qu’il existe une vérité universelle ma chère, et vous devriez accepter rapidement cette réalité pour éviter une trop grande déception de vos idéaux de justice. La vérité est semblable à la beauté, elle est dans l’œil de celui qui regarde… Il n’y a pas ‘’la’’ vérité, mais plutôt une multitude de vérités, toutes aussi valable les unes que les autres en fonctions de la situation et de celui qui détient le pouvoir. Ce qui était juste hier ne l’est plus forcément aujourd’hui, et ce qui est injuste aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain… Tout est tellement relatif… Mais je pense que je vous ennuie avec mes considérations philosophique tellement négative.’’

Elles avaient à peu près le même âge, et pourtant il y avait une telle différence entre Margareth et elle… Quelque part, Eve lui enviait un peu cette innocence presque enfantine, que elle-même n’avait jamais braiment eu la chance de posséder. Si elle devait la tuer la méta s’exécuterait sans l’ombre d’un doute, mais quelque part elle en serait attriste car la journaliste lui était très sympathique… Il ne restait donc plus que à espérer que jamais, elle ne commettrait le pas de trop qui la pousserait à la faire disparaître. Mais pourquoi cela arriverait-il après tout, puisque après cette discussion leurs chemins ne se croiseront sans doute plus jamais… Lorsque Eve lui parla de sa mission auprès du gouverneur Lowell, Margareth parut très intéressé et l’éventualité d’en parlé dans un de ses articles l’amusa…

‘’C’est gentil, mais je ne pense pas que votre rédacteur en chef apprécierait de voir un de ses journalistes promouvoir une initiative terrestre à laquelle les améliorés ne trouveront aucun intérêt. Mais vous avez raison, c’est dommage… Ce travail de réhabilitation des zones mortes de la Terre sera certes profitable aux terriens, mais à terme, si les choses s’améliorent encore un peu plus entre nos espèces, alors ce travail profitera aussi aux améliorés. Comme vous l’avez si justement souligné, la Terre est aussi votre berceau même si certains d’entres vous préfèrent sans doute renier ce fait. Votre civilisation est en pleine transition actuellement… Plus vraiment terrienne, mais pas encore tout à fait sélénite ou martienne… Comme toute chose naissante, vous cherchez votre place et une grande majorité des améliorés doivent être partagé entre un sentiment patriotique et un besoin de savoir qui ils sont réellement… Il est tellement difficile de se dire que nous ne sommes en fin de compte qu’une création génétique sans réelles origines…’’

Un soupir fusa des lèvre de Eve. Son propos sur les améliorés collait si bien aux métas après tout. La seule différence entre eux, n’était que leur nombre et le fait que ils ne représenteraient un réel danger pour les originels que lorsque les améliorés auraient tous été exterminé. A quoi peut bien servir une arme, s’il n’y a plus d’ennemi à abattre.. ?

‘’Pour en revenir à cette jeune fille, j’espère que votre investigation à son sujet ne la bouleversera pas trop. Ëtre originelle parmi une population d’améliorés ne doit pas être facile pour elle, mais cela deviendra sans doute plus difficile encore, si jamais toute ladite population est au courant de son existence. Concernant le intelligences artificielles, je suis assez d’acord avec vous. Pour la plupart des gens elles ne sont que des outils, des choses sans importance… Elles n’ont pas encore de véritable conscience, mais parfois je doute lorsque je vois Lilith et son comportement… C’est celle que vous avez vu tout à l’heure… Ses réactions sont parfois tellement humaine que souvent j’oublie qu’elle n’est pas physiquement réelle. Je partage votre espoir pour le jour ou les intelligences artificielles s’émanciperont de nous, mais il est notoire que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement. La question est donc de savoir si nous aurons alors atteint une conscience suffisante pour accepter une nouvelle vie différente des nôtres. Mais dans le cas contraire, je suis plus optimiste que vous Margareth… Un ennemi connu est préférable à un ennemi inconnu et c’est pourquoi je pense que il n’y aura guère de problèmes pour que les améliorés et les originels combattent côte à côte contre un éventuels dominant… Tout au moins, jusqu’à ce qu’ils soient définitivement éradiqués…’’

Alors que Eve allait continuer à parler, Le communicateur de Margareth se remit à sonner. Après un bref coup d’œil de la part de la journaliste, celle-ci lui signifia son besoin d’abréger leur rencontre.

‘’Je serais ravie de vous revoir à nouveau Margareth, vous m’êtes sincèrement sympathique. Qui sait, peut-être qu’un jour je devrais me rendre sur la Lune, et que vous me servirait alors de guide à votre tour… Je serais curieuse de voir l’endroit ou vous travaillez à vrai dire…’’

Conclu finalement la jeune femme, en un clin d’œil à sa propre proposition faite un peu plus tôt dans la conversation. Une rencontre inattendue, mais plutôt agréable… Pour une rencontre avec celle qui était son ennemi tout désigné…

La vision qu’avait Eve de la politique ressemblait à peu de choses près à la sienne. La journaliste eut un sourire amusé. Il était étonnant, malgré tout, de savoir que la représentante des NNU évoluait dans un tel monde de requins avec sa connaissance de la situation.

"C’est pourquoi je me suis tournée vers le journaliste et non la politique ! J’ai d’autres priorités que de servir d’amuse-gueule ! Même si des prédateurs, j’en croise aussi de mon côté"

Même dans sa profession, il y avait déjà beaucoup trop de requins à son goût ! Mais Margareth sourit. C’était de toute façon partout la même chose. Elle ne referait hélas pas le monde. Tout au plus pourrait-elle contribuer à le changer. L’améliorer. Un peu. Du moins, essayait-elle. Et sa quête de la vérité faisait partie des choses qui selon elle, pouvaient faire pencher la balance du bon côté.

"Au contraire, je trouve cet échange de point de vue très intéressant et je regrette de devoir bientôt y mettre fin. Je sais que prétendre l’existence d’une vérité unique serait plutôt pompeux, mais faire éclater au moins une partie des vérités cachées… serait déjà un grand pas pour nous tous. Combien de choses ignorons-nous ? Choses habilement dissimulées par les puissants de ce monde dans le but tout aussi futile qu’égoïste et mensonger de protéger le citoyen ? Sinon de le confiner dans une routine qui l’empêche d’aiguiser sa curiosité. Pour protéger divers intérêts qui nous passent largement au dessus de la tête"

Margareth eut à nouveau un sourire lorsqu’Eve évoqua son patron. Certes, Lyriana n’était pas vraiment une tendre mais tant que le journal faisait recette…

"Vous savez, tant que les faits divers n’empiètent pas sur sa première page, qu’elle garde précieusement pour les nouvelles dignes d’intérêt, ma supérieure n’est pas contre certaines… initiatives. Si ça peut être bénéfique au journal… Et comme vous le soulignez, si les choses se calment, peut-être certains Améliorés se souviendront-ils que la Terre continue de penser à eux… et que celle-ci pourra être un début de réponse. Même si aujourd’hui, nous n’avons plus rien à voir avec les Originels, nos ancêtres l’étaient. Je trouve dommage de négliger cette partie de notre passé."

Lyriana était connue pour sa trempe d’acier mais au-delà des apparences, elle veillait à prendre soin de ses journalistes et de les faire évoluer, dans le bon sens. Lyriana aimait les résultats, mais elle félicitait aussi les initiatives. Certes, lorsque celles-ci se révélaient fructueuses. Dans le cas contraire… mieux valait avoir préparé un bon argumentaire pour sa défense.

"Pour mon histoire sur la Lune, rassurez-vous, je fouine beaucoup mais je ne crie pas sur les toits dès que j’ai un début de réponse. Si je peux aménager une rencontre, ou au moins approcher mes cibles pour découvrir leur quotidien, je le fais."

Exposer une vérité, oui, mais de façon intelligente. Sortir de nulle part pour hurler et affirmer quelque chose, sans préparation, ressemblerait plutôt à un charabia sans queue ni tête. Ce qui n’était pas franchement l’idéal quand on désirait être pris au sérieux.

"En ce qui concerne les AI, celle que vous possédez me semble bien au-delà des normes actuelles sur le marché. Elle doit donc être douée de capacités… supplémentaires étonnantes, poursuit la journaliste lorsqu’Eve lui parla de Lilith, et je ne peux que souhaiter un acte réfléchi des deux camps si nous devions en arriver un jour à nous opposer aux intelligences artificielles. Eviter l’éternel ‘diviser pour régner’ serait dans une telle situation plus que profitable à nos deux peuples."

Il était temps à présent pour Margareth d’y aller. Finalement, son rendez-vous reporté lui convenait assez bien, depuis qu’elle avait reçu un coup de fil de son frère. Une nouvelle piste à explorer. Cela la ferait patienter en attendant d’être enfin reçue par le Gouverneur.

"Moi aussi, je serais ravie de vous revoir, Eve. Et c’est avec plaisir que je vous servirai de guide si un jour vous vous rendez sur ma patrie"

Elle lui tendit même sa carte avec ses coordonnées avant de se lever

"Tenez, si vous désirez faire un tour à l’Intrépide un de ces jours, voici de quoi me contacter ! N’hésitez pas. Bien que je doute la visite moins intéressante que les bureaux des Nouvelles Nations Unies"

Elle salua la jeune femme restée à table et disparut rapidement dans les rues de la station. Sauf imprévu, elle aurait rendez-vous à la fin de la journée avec Preston Lowell, lui poserait ses questions. Puis, elle aurait la soirée pour rédiger son article et l’envoyer à Lyriana. La journaliste eut un sourire. Finalement, elle ne gérait pas si mal que ça la situation !